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Hindsight : passé recomposé en mode 90’s

Hindsight : passé recomposé en mode 90’s
Fanny Lombard Allegra

Et si vous pouviez revenir en arrière ? Recommencer à zéro, changer votre vie en évitant certaines erreurs ? Si, en prenant bêtement l’ascenseur, vous vous retrouviez propulsé 20 plus tôt, avant d’avoir fait les choix qui vous ont conduit où vous en êtes aujourd’hui ? Voilà exactement ce qui arrive à Becca dans la série Hindsight, créée par Emily Fox (qui a travaillé sur Ghost Whisperer et Jane by Design) et renouvelée par VH1 pour une seconde saison.

A l’aube de la quarantaine, la jolie Becca (Laura Ramsey) est sur le point de se remarier, avec son ami d’enfance Andy (Nick Clifford). Mignon mais très conventionnel, il est l’opposé de son ex-mari Sean (Craig Horner), un artiste sexy et rebelle sans aucun sens des responsabilités. A la veille du grand jour, Becca est en plein doute : elle n’est plus certaine d’aimer son nouveau fiancé, ni de ne plus être amoureuse de son ex. Coincée dans un job peu valorisant, brouillée depuis des années avec sa meilleure amie Lolly (Sarah Goldberg), prise à parti par ses parents divorcés, la jeune femme est au bord du burn out. Saisie de vertige dans un ascenseur, elle s’évanouit et revient à elle… en 1995, au matin de son mariage avec Sean ! Passé le choc, Becca en déduit que ce voyage dans le temps ne doit rien au hasard, et elle y voit la chance de changer entièrement le cours de sa destinée. Réconciliée (ou plutôt pas encore fâchée) avec Lolly, Becca plante Sean devant l’autel et démissionne, bien décidée cette fois à faire les bons choix.

On aura compris que le point de départ de Hindsight n’a rien de très original : le voyage dans le temps est un thème classique, maintes fois exploité tant au cinéma que dans les séries télé. Ici, on  est cependant plus proche d’un Pile et Face (film de 1998 avec Gwyneth Paltrow) que de Life on Mars ou Outlander. La science-fiction n’est que le point de départ, et l’intrigue s’oriente rapidement vers la comédie romantique, abandonnant le « comment » au profit du « pourquoi ». Becca ne s’interroge pas une seule seconde sur la façon dont elle a atterri en 1995, et elle se soucie exclusivement de la raison pour laquelle elle se retrouve vingt ans en arrière. Car dès le départ, l’héroïne est persuadée qu’il y a bien une raison : ce voyage temporel est une occasion inespérée de réparer les erreurs du passé et de changer le cours de sa destinée. Oui, mais reste à savoir comment. Doit-elle sauver son mariage avec Sean ? Se précipiter dans les bras d’Andy ? Eviter la dispute avec Lolly ? Trouver un nouvel emploi ? Ou encore tout cela à la fois ? Pour le dire autrement, la jeune femme s’interroge sur les choix qu’elle a fait tout au long de sa vie, tentant de déterminer où elle s’est trompée de voie.

Ce thème est suffisamment pertinent pour parler à une large audience : qui n’a jamais souhaité pouvoir revenir en arrière, ne s’est jamais demandé ce que serait sa vie si, à un moment donné, il avait fait un autre choix ? C’est à la fois le point fort et le point faible de la série qui, en s’emparant de cette seule thématique, finit assez rapidement par tourner en rond et ne nous épargne pas les clichés. Et notamment la grande question du destin : sommes-nous les maîtres de notre vie, ou notre futur est-il irrévocablement écrit ? La série semble pencher vers la seconde option même si elle peine à se positionner clairement sur cette interrogation pseudo-philosophique, car elle se veut avant tout divertissante et n’a heureusement pas pour prétention de révolutionner notre approche de la vie. Et si Becca connaît le futur, elle ignore comment exploiter cet avantage et chacun des changements qu’elle opère la plonge dans une situation encore plus confuse et la renvoie au point de départ.

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Bien qu’éculée, l’idée n’est pas forcément inintéressante ; elle est malheureusement mal exploitée. D’abord parce que le registre de la science-fiction n’est ni totalement assumé, ni totalement écarté. Le mystère de la translation temporelle est expédié en quelques minutes, mais à certains moments-clés, Becca rencontre un mystérieux inconnu qu’elle a déjà brièvement croisé dans sa vie de 2015… Le personnage en question ne semble pas servir à autre chose qu’à créer un lien totalement artificiel entre les deux époques, sans rien apporter à l’histoire. Ensuite, il faut reconnaître que Hindsight peine à faire progresser l’intrigue, l’héroïne mettant toute son énergie à disséquer la moindre option et à changer continuellement d’avis. Elle annule son mariage, se précipite chez Andy, retourne avec Sean, couche avec un inconnu, donne rendez-vous à Andy, sort à nouveau avec Sean… Ces hésitations et ces volte-face, bien qu’humanisant le personnage, lassent sur le moyen terme. Becca, indéniablement fraîche et charmante, en devient moins attachante.

Centrée quasi-exclusivement sur les déboires amoureux de Becca, l’histoire en elle-même est d’ailleurs un peu légère, même si les scénaristes ont vainement tenté de développer d’autres axes narratifs. Ainsi, en marge de l’inextricable triangle amoureux Becca-Andy-Sean, la liaison entre Lolly et le frère de Becca aurait pu offrir un contrepoint bienvenu. Hélas, cette intrigue aussi finit par tourner autour de celle-ci, qui veut mettre son veto car elle sait déjà que cette relation va mal finir. Voilà un bon exemple du principal défaut de Hindsight, qui ramène systématiquement le moindre élément à Becca, sans chercher à faire évoluer les autres personnages qu’elle relègue au rang de faire-valoir.

C’est d’autant plus dommage que ces seconds couteaux avaient beaucoup de potentiel. L’excentrique Lolly (qui croit Becca sur parole lorsqu’elle lui dit venir du futur…), aurait fait une parfaite acolyte, mais elle n’est que la confidente, réceptacle des innombrables remises en question de sa copine ; Andy, moins lisse que le laissait présager le pilote, est totalement passif et en devient inexistant ; les intrigues autour du frère de Becca, dépressif et impliqué dans un trafic de drogue, sont à peine esquissées ; le mystérieux inconnu venu du futur ne sert a priori à rien ; Sean, l’ex-futur ex-mari, s’écarte du stéréotype du playboy narcissique pour laisser entrevoir une personnalité complexe et attachante, mais il n’existe pour lui-même qu’à partir des deux derniers épisodes.

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Malgré ces critiques, tout n’est pas à jeter dans Hindsight. La série a par exemple l’intelligence d’éviter de tomber dans les clichés et de s’éloigner d’un scénario trop convenu. On pouvait craindre que Sean ne disparaisse au bout d’un épisode, mais il gagne au contraire en importance. De la même manière, alors qu’on s’attendait à ce que Becca prenne systématiquement le contre-pied des choix qu’elle avait fait dans son autre passé, elle est étonnamment passive, laissant souvent les évènements décider à sa place. Comme si, désormais consciente des conséquences, elle était paralysée par l’angoisse de la responsabilité. Il est également notable qu’en dépit d’un format de 40 minutes, quand on se serait plutôt attendu à des épisodes moitié moins longs, aucun temps mort ne vienne ralentir le rythme, soutenu et sans faiblesse.

Il est clair que la série cible surtout les jeunes femmes de la génération de Becca, qui ont toutes les chances de se retrouver en elle et d’adhérer au point de vue indiscutablement féminin. Mais Hindisght mise aussi beaucoup sur la nostalgie des années 90. Ah, le bon vieux temps où l’on pouvait fumer dans les bars, où les filles étaient coiffées comme Rachel de Friends, où on louait Dirty Dancing en vidéo, et où on allumait son modem pour aller sur internet en écoutant Pearl Jam… Au fil des épisodes, Hindsight compte séduire en tirant sur cette corde sensible – elle nous parle d’un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître. Elle recrée donc cette atmosphère à grand renfort de références et d’allusions : la présidence de Bill Clinton, le procès d’OJ Simpson, l’utilisation des pagers (nous, on avait des Tam-Tam…) au lieu des smartphones, la sortie de Pulp Fiction au cinéma, la grande époque des raves parties, la mode des jeans déchirés et des perfectos… Et la série de jouer sur l’humour en tablant sur la complicité avec ses spectateurs qui, eux aussi, connaissent évidemment le futur ! C’est totalement prévisible, mais tout de même assez drôle. On sourit quand Lolly enrage lorsque son amie lui révèle la fin de Friends (« Quoi, Monica et Chandler sont ensembles ?!« ) ou refuse de la croire lorsqu’elle lui jure que, promis, Patrick Dempsey est devenu canon ; même chose quand un des personnages assure qu’il n’a confiance en aucun homme politique – excepté Dick Cheney…

Et comme VH1 est avant tout une chaîne musicale qui, à l’instar de MTV, se lance dans la production de séries télévisées, elle en profite pour placer la musique au centre de cette stratégie : Pearl Jam, Green Day, Elastica, Blur, Supergrass, les Red Hot Chili Peppers, Tori Amos, The Prodigy… et même Ace of Base et Double You (si, si : écoutez « Please don’t go », ça va vous revenir !), toute la playlist des années 90 y passe ! Playlist par ailleurs téléchargeable sur le site de la chaîne et en écoute sur Spotify, puisque les trentenaires ont maintenant l’ADSL… Fort heureusement, la musique s’intègre harmonieusement à l’histoire sans parasiter l’action – ce qui n’était pas le cas dans Eye Candy, où les extraits musicaux gâchaient complètement l’intrigue.

Le problème, c’est que Hindsight est exactement dans la situation de son héroïne, coincée entre deux générations : jolie comédie romantique pour adolescents, la série est un peu trop mièvre pour des adultes ; ancrée dans les années 90, elle joue sur les codes d’une époque qui n’évoquera rien aux plus jeunes.

Pour conclure, Hindsight est une série qui mérite mieux que sa première saison. En dépit d’un argument de départ peu original et assez fade, les scénaristes ont montré qu’ils pouvaient faire preuve d’originalité et s’écarter d’une histoire prévisible. Hélas, ils ne le font pas totalement et, comme Becca, ils semblent avoir du mal à assumer de changer de voie en cours de route… On aimerait que les intrigues secondaires soient menées à leur terme, et que la série  choisisse une fois pour toute de traiter (ou pas) la partie science-fiction qui fait simplement office d’alibi. Car malheureusement, l’identification à l’héroïne et la carte  nostalgique peinent déjà à soutenir l’intérêt sur 10 épisodes. Reste à espérer que la seconde saison nous réservera quelques bonnes surprises – à défaut de pouvoir remonter le temps jusqu’au pilote pour changer le cours de la série…

Crédits: VH1

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