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Il était une fois… un showrunner: Aaron Sorkin (2/5)

Il était une fois… un showrunner: Aaron Sorkin (2/5)
Christophe Brico

C’est alors qu’il passe ses nuits au Four Season de Los Angeles en train d’écrire “The American President”/”Le Président et Miss Wade”, qu’Aaron Sorkin – alors spectateur assidu d’ESPN et de l’émission Sports Center – a l’idée d’une histoire qui se passerait dans le cadre d’une émission de news sportives. Ne trouvant pas d’intrigue suffisamment forte pour en faire un film, il conçoit une série télé, une comédie, qu’il vendra à Disney pour être diffusée sur ABC, chaîne appartenant au groupe. C’est pour Sorkin avec Sports Night le début de sa carrière télévisuelle, mais aussi, d’une certaine manière, le début des emmerdes…

“Better for WHOM !”

Sports Night est conçue comme une comédie (voire une sitcom, mais nous y reviendrons), découpée en épisodes de 22 minutes. L’action se déroule au sein de la production de l’émission “Sports Night” animée par Dan Rydell (Josh Charles) et Casey McCall (Peter Krause), produite par une équipe dirigée par Dana Whitaker (Felicity Huffman), composée de Natalie Hurley (Sabrina Lloyd) et Jeremy Goodwin (Joshua Malina), et la division sports de la chaîne est dirigée par Isaac Jaffe (Robert Guillaume). Si le show pourrait aisément être un “formula show”, une ou plusieurs histoires “fil rouge” maintiendront une intrigue cohérente sur les deux saisons que durera la série.

sports

Avec Sports Night c’est toute la machine télévisuelle de Sorkin qui se met en place. Tout d’abord, c’est sur cette série que débute la collaboration avec Thomas Schlamme. L’expression la plus évidente du duo que forment Sorkin et Schlamme est sans doute le fameux “Walk and Talk”. Pour en résumer le principe, il s’agit de filmer de longues séquences de dialogue en mouvement, les personnages parlent et marchent en même temps, tout en leur permettant d’entrer ou sortir du cadre selon les besoins. Cela crée de longs (relativement pour de la télé) plans séquence, génère une réelle rythmique à la fois des dialogues et de l’image. Mais de manière moins évidente, c’est sans doute une réelle compréhension, par Thomas Schlamme du rythme et de la musique de l’écriture de Sorkin qui permettra au duo de perdurer.

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Ensuite, c’est dans l’environnement que l’on trouve un des cœurs narratifs de Sorkin à la télé. En effet, Sports Night est une “workplace comedy” (ou dramedy). Entendez par là un show dans lequel la plupart des intrigues prennent place sur le lieu de travail des personnages, mais aussi où ces derniers sont principalement définis par leur fonction et personnalité professionnelle. Cette tendance sera identique pour tous les shows de Sorkin. On voit peu les environnements personnels des personnages (voire pas du tout pour Sports Night), les décors sont principalement constitués par les différents éléments du lieu de travail (ici le plateau, la régie, la salle de réunion, les bureaux des personnages, l’open-space). Seul un bar fera son apparition de manière régulière en saison 2.

Enfin, c’est dans la structure de l’ensemble cast que l’on retrouvera également une tendance forte: 3 personnages centraux (les deux présentateurs et la productrice exécutive), deux personnages secondaires (les deux jeunes producteurs) et un personnage “expérimenté” (le directeur des programmes). Les nombres peuvent changer, voire la répartition, mais cette composition chorale sera globalement utilisée par Sorkin dans ses shows suivants. Cette structuration, pas nécessairement révolutionnaire, mais très adaptée au travail de Sorkin, lui permet de multiplier les intrigues, tout en réservant à chaque groupe une unité ton. Comme tous les auteurs systématiques (ou systémiques, ici), Sorkin s’amusera régulièrement à casser sa propre rythmique et ses propres unités. Mais globalement, c’est le format de base avec lequel il travaille. C’est aussi ce qui rend le show difficile à classer. N’étant pas de la pure comédie, et assez loin du Sitcom quoi qu’il en soit, Sports Night est sans doute plus une dramédie. C’est probablement une des raisons qui a rendu la relation avec Disney/ABC très difficile.

“Fire me or shut the hell up !!!!”

La série commence sans doute par un malentendu. En effet, ayant proposé Sports Night comme une comédie, ABC formate le show comme une sitcom : épisodes de 22 min, rires enregistrés, enregistrement “live”, etc. Les rires enregistrés et l’enregistrement live seront le premier cheval de bataille de Sorkin. Les rires diminueront durant toute la première saison pour complètement disparaître dans la seconde. L’enregistrement “live” sera abandonné en seconde saison.

Ensuite, c’est un cast d’acteurs offrant une large palette de jeu et pas seulement du gag à répétition qui est casté. Pour Felicity Huffmann c’est sans doute le show qui lui a ouvert les portes de la reconnaissance, et si elle propose un personnage hysterico-maniaque (assez proche de la composition de Courtney Cox dans Friends), elle est souvent sur une brèche émotionnelle qui laisse entrapercevoir une grande tessiture dramatique. Idem pour le duo principal masculin. Josh Charles et Peter Krause ayant déjà largement fait leurs preuves, les deux acteurs ayant en commun d’avoir joué sous la caméra de Peter Weir (le premier dans Le Cercle des Poètes Disparus le second dans The Truman Show). Et s’il fallait encore le démontrer, leur compositions respectives dans Six Feets Under ou The Good Wife sont à elles seules des preuves. Sabrina Lloyd, quand à elle, rescapée de Sliders, est certes connue mais peu reconnue et trouvera ici un rôle lui offrant, à elle aussi, une large palette de situations pour s’exprimer. Joshua Malina, OF COURSE, dans une oeuvre d’Aaron Sorkin (Il avait auditionné pour le rôle de Dan Rydell). Enfin Robert Guillaume est sans doute le plus faible de tout le cast, mais son rôle est plus symbolique que dramatique, donc cela ne gêne en rien le plaisir.

Sports-Night-cast

 

Restant sur le cast, de nombreux “réguliers” de Sorkin feront leur apparition dans Sports Night, parmi lesquels : Janel Moloney, Clark Gregg, Lisa Edelstein ou encore Nina Semazko. C’est une des grandes habitudes d’Aaron Sorkin, ou en tout cas c’en était une : garder les mêmes personnes d’un projet à l’autre. Joshua Malina étant sans doute le plus Sorkinien de tous puisqu’il apparaîtra dans les 3 films que Sorkin écrira pour Castlerock, et aura des rôles d’importance dans Sports Night et The West Wing.

On retrouve également dans Sports Night, de nombreuses obsessions de Sorkin : le rapport au pouvoir et à l’argent, le psy, le rapport intime à des moments clefs de l’histoire (ici sportive plutôt), un épisode dans la campagne… ou presque (Joshua Malina et les chasseurs), le rapport des sexes, des générations. L’ensemble cast permet à la série, comme ce sera souvent le cas par la suite, de ne pas uniquement s’enfermer dans son sujet, la télé et le sport, mais de plus largement raconter des histoires de personnages.

Au final, Sports Night est une série qui reste, encore aujourd’hui, très bien fabriquée. On y sent les hésitations du début, la recherche du bon ton et du bon rythme. Mais dès la seconde saison, on se retrouve devant un show qui avait réellement le potentiel pour devenir une série au long court. Pourtant, faute d’audiences, ABC annule la série, et, malgré des propositions du câble pour la reprendre, Sorkin refuse pour se consacrer à son autre projet du moment : The West Wing.

Crédits: ABC
Retrouvez Il était une fois un showrunner: Aaron Sorkin (1/5)

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