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10 Commentaires

Les Revenants sur Canal+: Et si c’était le début d’un plus grand bouleversement encore?

Alexandre LETREN

La review

LA SERIE
8.5
LE SCENARIO
7.5
LE CASTING
8.5
ORIGINALITE
8.5
PLAISIR RESSENTI
8.5
8.3

EXCELLENT

Il est des moments dans notre métier où l’on sent que l’on est en train de regarder quelque chose qui fera date. Quelque chose qui peut permettre d’amorcer un tournant dans notre fiction jugée parfois moribonde. Le visionnage de Les revenants, la nouvelle série de Canal+, correspond à l’un de ces moments rares. Trop rare!

Dans une ville de montagne dominée par un gigantesque barrage, le même jour, plusieurs personnes d’âges et de milieux différents, tous désorientés, cherchent à rentrer chez eux. Ils ne savent pas encore qu’ils sont morts depuis plusieurs années, qu’ils n’ont pas vieilli et que personne ne les attend. Déterminés à reprendre une place qui n’existe plus, ils découvrent peu à peu qu’ils ne sont pas les seuls revenants et que leur retour s’accompagne de dérèglements croissants. Et si ce n’était que le début d’un bouleversement plus majeur encore ?

Le fantastique est un genre peu présent à la télévision française. France Télévisions s’y est essayé avec David Nolande ou Greco, TF1 avec Mystères ou encore M6 avec L’internat ou Eternelle. Mais aucune d’entre elles n’est parvenue à créer une alchimie suffisamment forte pour satisfaire public et critiques, pour se hisser au niveau des productions anglo-saxonnes…Enfin jusqu’à présent!

Les revenants constitue pour Canal+ un incroyable challenge. En cas de succès de la série, c’est une nouvelle ère à la fois pour la chaîne, mais aussi pour la production française de séries, qui s’ouvrira. Un vrai appel d’air déjà amorcé avec la série Ainsi soient-ils sur Arte.
Ces deux séries devraient redonner espoir aux producteurs et scénaristes, qui vont pouvoir se dire « c’est possible, faisons le! ».

A l’origine il y a un film de Robin Campillon sorti en 2003 et qui racontait un monde dans lequel les morts revenaient pour reprendre place dans leur vie d’avant. De ce film, ils ont gardé le concept mais la série s’en éloigne sensiblement. Aujourd’hui, il reste la série qui propose un ensemble de saveurs des plus agréables: « Il y a du suspense, du soap, du fantastique. On y parle d’amour et de mort. On s’interroge sur la notion de communauté et sur l’avenir du monde. C’est le cinéma de genre revisité par un auteur » (Fabrice De La Patellière, directeur de la fiction de Canal+).

Pour produire cette série, la société de production Haut et Court. Déjà à l’œuvre sur Silex & the city (Arte) ou Xanadu (toujours Arte), la société a su montrer qu’elle souhaitait avant tout proposer des séries à univers: « La rencontre avec Fabrice Gobert (créateur et réalisateur d’épisodes de la série ndlr) a été déterminante. Nous l’avons encouragé à définir un univers visuel qui jouerait avec les références du genre » (Caroline Benjo et Jimmy Desmarais). Et cet univers, il est parfaitement là, maîtrisé de A à Z, tant est si bien qu’il est difficile de ne pas y pénétrer à peine quelques minutes après les débuts de la série. Et pour ça, le cadre y joue beaucoup avec une ville personnage à part entière de cette série.
100 jours de tournage dans la région d’Annecy. Et de nombreuses heures de recherche pour trouver le décors idéal, « un amphithéâtre de montagnes qui forme une enceinte quasi infranchissable et des bâtiments « rurbains » plantés dans cet entre-deux, mi ville, mi montagne« .
Cette ville nous aspire dès le début, nous envoûte, comme une autre l’avait fait il y a un peu plus de 20 ans, dans un cadre similaire. Twin Peaks bien entendu! Comment ne pas y penser? The Lake Pub dans Les Revenants fait penser au Double R de Twin Peaks. Chez David Lynch, la forêt est le lieu de tous les mystères; ici ce sont les montagnes. Mais dans les deux cas, le milieu naturel sonne comme une porte d’entrée vers un autre monte. Un monde qui va bousculer nos certitudes sur ce que l’on pensait acquis. Chez David Lynch, la ville dépend de la grande scierie Packard; dans Les revenants, c’est du barrage que dépend la ville dans laquelle l’action nous plonge.

Mais le décors n’est pas le seul facteur de la réussite de cette série. Le casting y est pour beaucoup également. Les revenants est une vraie série chorale où chaque personnage a son importance. « Une véritable troupe, tout entière mue par la conviction de participer à un projet rare » (C.Benjo et J.Desmarais). En faisant porter l’intrigue de chaque épisode sur l’un des personnages, les auteurs nous permettent de mieux les connaître mais sans jamais oublier celles et ceux qui ne sont pas au premier plan. Car il n’y pas de « héros » dans cette série. Juste des histoires. des parcours. Des parcours tous plus aboutis les uns et que les autres et qui nous réservent sans arrêt son lot de surprise.
En tête, les sœurs jumelles Lena et Camille que la vie a séparé. L’une a continué sa vie, l’autre tente de la reprendre là où elle l’avait laissée. Mais on peut citer aussi Adèle dont l’amour de sa vie lui a été arraché le jour de son mariage et qui revient, dix ans plus tard; Julie, touchante jeune infirmière, au cœur de l’intrigue du « Cannibal » (dont je reparlerai un peu plus bas) et qui va recueillir le mystérieux Victor, aussi mignon qu’inquiétant. Tous ces destins brisés qui tentent de repartir, de reprendre leur vie là où elle avait été laissée: « Le point de départ est le retour des morts envisagés non comme l’assaut d’une horde de zombies mais comme la somme de plusieurs retours qui vont bouleverser un groupe limité de personnes » (Fabrice Gobert).

Les Revenants pourrait n’être que ça. Une fable sur le deuil. Mais il y a aussi son intrigue policière. Son mystère. Sa mythologie. Car il n’est pas question ici que du retour des morts. On y parle aussi des conséquences de ce (ces) retour(s). Le retour des morts en ville s’accompagne d’événements mystérieux. En premier lieu, il n’y a pas que des gens biens, comme vous et moi, qui reviennent. Il y a 7 ans, un tueur en série avait mystérieusement disparus. Surnommé « Le Cannibal », il semble lui aussi être revenu en ville et avoir repris ses sinistres activités. Également nos morts eux mêmes qui semblent frappés de soudain accès de violence assez incontrôlables. Et puis il y a le barrage. Depuis le retour des morts, le niveau d’eau ne cesse de baisser. Qu’est ce que cela signifie?
Et enfin Victor…Qui est ce mystérieux petit garçon, muet, dont on va très vite découvrir qu’il est très loin d’être le gentil petit garçon qu’il semble être au premier abord?

Enfin, terminons par l’autre grande réussite de la série. La musique. C’est le groupe écossais Mogwai qui s’en est chargé et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle est totalement réussie. De même qu’un Angelo Badalamenti avait su percer et retranscrire tout le mystère de Twin Peaks, Mogwai a réussi le même tour de force avec la musique des Revenants
 » La musique étant un personnage à part entière, je voulais une réinterprétation des codes du genre fantastique. Le thème du générique a été finalisé très tôt, avec l’étrangeté que je recherchais, ce côté tendu qui laisse de la place à la fiction » (Fabrice Gobert)
 » Nous voulions notre Badalamenti« , me confie Caroline Benjo…

Les revenants tape en plein de le mille. La série parvient en peu d’épisodes (nous en avons vu 3) à créer un univers et à nous donner envie d’y rester. Non dénuée de défauts, la série est tout de même totalement maitrisée par ses auteurs, son réalisateur, et emmenée par une troupe de comédiens qui donnent à la série toute son âme. N’oublions pas la production qui a su travailler en parfaite intelligence avec toute son équipe.  On ne pourra se faire une idée précise et définitive qu’après le visionnage des 8 épisodes et on peut déjà vous le dire: on tient là une grande série

 » Tout devient de plus en plus étrange et terrifiant. L’idée était qu’à l’épisode 8, les personnages comme les spectateurs puissent accepter les choses qu’ils n’auraient pas acceptées à l’épisode 1″
(Fabrice Gobert)

Source: Canal+
Crédits Photos:  © Jean-Claude Lother / Haut et Court / Canal+

Les Revenants arrive sur Canal+ dès le 26 novembre prochain