Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Top

4 Commentaires

Pourquoi P’tit Quinquin m’a ennuyé

Pourquoi P’tit Quinquin m’a ennuyé
Alexandre LETREN

La review

LA SERIE
4
LE SCENARIO
4
LE CASTING
5.5
LA REALISATION
7
5.1

POMPEUX ET ENNUYEUX

Passé à côté. Totalement

Qu’on se le dise, P’tit Quinquin sera l’événement « série » de la rentrée prochaine. Tout le monde en parlera- pensez-vous Bruno Dumont arrive à la télévision- et beaucoup en diront le plus grand bien, criant même au génie, alignant des arguments extrêmement convaincants (aucune ironie de ma part en le disant, j’en ai lu et, si je n’avais pas vu la série, j’aurais sans nul doute envie de la voir). Oui mais voilà, ce n’est pas mon cas. C’est même le contraire: les 3h20 que dure ce film m’ont parues longues. Terriblement longues et ce, malgré d’indéniables qualités. Car j’avais adoré la bande annonce qui me faisait vraiment envie.Mais cette envie est assez retombée. Pourquoi? Voici quelques éléments de réponses.

Une enquête policière extravagante, improbable et burlesque autour d’étranges crimes aux abords d’un village côtier du Boulonnais en proie au mal, et d’une bande de jeunes crapules menée par P’tit Quinquin et Eve, son amoureuse.

Avant même sa diffusion les 18 et 25 septembre prochain sur Arte, P’tit Quinquin aura fait parler d’elle, moins pour son histoire que pour les petites phrases à répétition de son auteur et réalisateur Bruno Dumont: « J’ai beaucoup de respect pour la télévision. Non pour ce qu’elle est aujourd’hui, qui est vraiment misérable, mais pour ce qu’elle a été parfois et pour ce qu’elle pourrait encore être. J’en veux beaucoup au gouvernement de laisser, et depuis si longtemps, la situation en l’état. C’est pourtant simple : il faut juste remplacer France Télévisions et ses rigolos qui méprisent le public, par Arte, où j’ai pu constater que les bonnes personnes sont à la bonne place. » (Le Monde).
Beaucoup de respect sans doute, mais un peu de méconnaissance aussi car il devrait savoir qu’il y a une différence majeure entre être appelé par une chaîne sur son nom pour produire un 4×52 minutes, et assurer une série sur le long court, avec toutes les contraintes que cela suppose, contraintes que l’on retrouve aussi dans les pays où la fiction se porte très bien et que vivent des auteurs confirmés. Les auteurs ne sont jamais, ou alors très rarement, libres de faire ce qu’ils veulent, sans contrôle aucun. De plus, si Bruno Dumont connaissait un peu la télé, même celle qu’il juge meilleure en des temps pas si lointain, il saurait que faire une série télévisée, ce n’est pas faire un film de 3 heures et demi et couper aux ciseaux dedans pour faire des épisodes. Le cinéma est un art noble, la série télévisée aussi mais dire que leur écriture diffère n’est pas une injure faite à l’un ou à l’autre. Or P’tit Quinquin n’a pas grand chose d’une série télé. Elle n’est pas non plus à mon sens, comme l’ont dit certains de mes confrères, l’incarnation de la série moderne (à la fois bonne série télé et bon film de cinéma). P’tit Quinquin est sans doute un très bon film de cinéma (ce qui est très bien en soit) mais pas une bonne série télévisée.

quinquinBien entendu, tout n’est pas à jeter dans P’tit Quinquin. En bon réalisateur de cinéma, Bruno Dumont signe ici un film très bien mis en scène, et dresse un portrait au vitriol de notre société, en poussant le curseur assez loin. L’intrigue policière est assez originale et pourrait promettre de passionnants rebondissements quant à sa résolution. Enfin, certains membres du casting, tous des amateurs et des habitants du coin, sont assez justes (Alane Delhaye « Quinquin » ou la jeune Lucy Caron « Eve » très émouvante dans son jeu) et donnent à la série une vrai authenticité. Oui mais voilà, la série se perd en cours de route en étirant une histoire qui tiendrait facilement en la réduisant de moitié, en se perdant dans des divagations qui n’apportent finalement rien, en ne sachant pas arrêter le côté décalé des personnages pour éviter la lassitude (le commandant Van Der Weyden, très drôle au début, et franchement fatiguant à la fin), et en ne sachant pas faire progresser l’histoire, notamment la partie policière qui fait un formidable sur place au point que la série s’achève sur une non résolution des meurtres. Oui oui, vous avez bien lu, P’tit Quinquin, fable policière avec des meurtres en série comme toile de fond se termine sans que l’on sache qui a tué (ou alors quelque chose m’a échappé en cours de visionnage!!).
Une consœur me faisait justement remarquer que ça importait peu, que ce n’est pas finalement le sujet principal de la série. Et je pourrais aller volontiers dans son sens. En effet, le polar comme moyen de raconter des gens, une société ou une micro société, a souvent été utilisé. David Lynch en a fait finalement le sujet principal de Twin Peaks, et si ABC ne lui avait pas demandé, il n’aurait sans doute pas révélé le nom de l’assassin de Laura Palmer. Dans Broadchurch, l’élément policier sert de prétexte à raconter comment une communauté est impactée par un événement dramatique. Mais jamais l’auteur n’oublie de terminer en donnant le fin mot de l’histoire (qui aurait pu ne pas avoir de suite), ce pour quoi le téléspectateur est venu en somme. Ce que n’a pas su faire P’tit Quinquin et qui risque d’en décevoir plus d’un…ou pas, c’est selon finalement si vous êtes ou pas captés par l’univers et le style de Dumont.

quinquin2Ce qui au final me dérange le plus c’est que quand on arrive avec ses gros sabots en prétendant donner une leçon à tout le monde, j’attends finalement beaucoup (trop?) du résultat. J’attend d’être pris dans un tourbillon d’émotions et de surprises (ce que certains ont sans doute ressenti à la sortie de la projection à Paris), j’attends effectivement de voir une grande leçon d’écriture sérielle, qui me fait dire qu’un vent nouveau vient d’arriver et ce ne fut pas le cas. Au lieu de ça, j’ai vu de bonnes choses mais noyées dans une fiction un poil trop prétentieuse à mon goût. Un peu à l’image de son auteur finalement (en tout cas dans ce qu’il a véhiculé dans ses déclarations), Bruno Dumont proposant un long film, mais qui ne va pas révolutionner la télévision. Il faudrait qu’il accepte, et il n’est pas le seul, de se confronter à l’écriture télévisuelle, sérielle, celle qui installe des personnages et des histoires sur le long terme.
J’aimerais aussi qu’on arrête d’appeler « série » un objet qui n’en est pas. Il n’y a pas de honte à faire de très bons films pour la télévision, même si je saisi bien que le terme « série » est sans doute très vendeur en ce moment.

Quelqu’un m’a dit que Bruno Dumont était « l’un des plus grands artistes modernes français ». Peut-être est-ce ça finalement. Peut-être que c’est moi qui suis totalement passé à côté, qui n’est pas su voir ce qu’il y avait dans ce projet. Un peu comme dans un musée où certains s’arrêtent béas d’admiration devant un tableau quand d’autres n’y voient qu’une tâche rouge sur fond blanc. Tout n’est qu’affaire de perception. Tout comme il y a des artistes incompris de leur vivant, P’tit Quinquin restera pour moi une oeuvre incomprise de mon vivant.
A vous de me dire si on est plusieurs ou si je suis seul dans ce cas.  

Crédits: Arte

  • Romy

    Vous avez formulé ce que j’ai ressenti. Nous ne sommes pas face à une grande série, je n’ai même pas envie de connaître la fin que vous avez d’ailleurs spoilée, ça me donne encore moins envie. Il y a de très bons moments, de très belles pointes d’absurde délirantes au départ, un peu trop appuyées ensuite, on a l’impression que B.Dumont a trouvé de bonnes idées au départ et les répète à l’infini, à nous lasser donc.
    Je n’ai vu que les deux premiers épisodes en format 52’…
    Puis je suis allée discuter avec Monsieur Dumont, que j’ai trouvé très critique envers la TV, envers la série, TV qu’il dit ne pas regarder. Comment être critique contre quelque chose qu’on ne regarde pas? Qu’on ne connaît pas?
    Moi j’ai vu son « œuvre » et je peux dire que ce n’est vraiment pas à la hauteur des critiques lues. L’énigme, l’intrigue policière ne tiennent pas, les personnages sont quant à eux formidables mais trop « utilisés » , on se lasse très vite.
    Ça ne tient pas. J’attends de voir les avis après diffusion.

  • http://www.docteurduchmoll.com docteurduchmoll.com

    J’aime beaucoup l’absurde de qualité ; ce que certains confondent avec souffler dans le cul d’une vache en disant que c’est pour en faire une vache-vapeur. Les bandes annonces lourdingues et la lourdinguerie générale des BCBG et NAP d’Arte à crier à la dinguerie géniale en lourdant tout le reste me semble fort suspecte. D’autant que le P’tit Quinquin, je connais bien, très bien. Plusieurs fois par an, ma grand’mère montait sur la table pour le chanter à toute la famille. Alors, grâce à cette critique, excellente, merci, qui témoigne d’une certaine exigence, je pourrai la zapper dès que cela m’ennuiera. Rendez-vous après 😉

    http://www.docteurduchmoll.com/index.php?category/Les-grands-discours

  • Pingback: Virage Nord, vraie mini série nordique à la française | Season One()

  • Pingback: Fiction Française: Le bilan de la saison écoulée (2014-2015) | Season One()