Ah que voilà une difficile cohabitation entre les scénaristes d’une série, les producteurs…et en bout de course la chaîne. Les premiers sont censés incarner l’âme de la série, en assurer la cohérence artistique; les seconds doivent accompagner les scénaristes et les aider dans les relations avec les chaînes; quant au troisième, la chaîne, elle doit normalement être l’ultime maillon n’ayant en principe qu’un rôle limité dans l’élaboration de la série une fois qu’elle est commandée.
Il est arrivé que cette relation se passe bien, et dans d’autres cas qu’elle capote. Dans ce dernier cas, il n’y a toujours qu’une seule victime: la série. On l’a vu il y a quelques mois avec Tiger Lily (ici et ici).
Hier soir, dans La série sur le gâteau (On Air TV Radio), je recevais des scénaristes de séries ainsi qu’une productrice et nous discutions de la place que les scénaristes des séries étaient supposés avoir au sein du processus créatif d’une série. Morceaux choisis de ces interventions;

Joël Houssin (David Nolande, Eternelle)

“Le fléau de la télévision française s’appelle LA LIGNE EDITORIALE”

“Les chaînes devraient se comporter comme des éditeurs qui reçoivent des projets portés par des scénaristes. Mais en réalité, ils commandent leur projet. C’est une hérésie”

“Le système marche sur la tête. Tout le monde cherche ce que veut voir le public mais ils se basent sur des audimats et des formules passés”

“On place les séries des gens dont on attend quelque chose en retour et on vire les autres. Ça marche au favoritisme souvent”

“Les scénaristes sont meilleurs aujourd’hui qu’ils n’étaient hier mais, paradoxalement, ils ont moins de place pour s’exprimer”

“La fiction lourde ne tient pas la route aujourd’hui”

“Il faut que la TNT se mettent à produire de la fiction lourde”

“On n’identifie plus les signatures de scénarios de séries aujourd’hui. C’est un vrai problème. Il n’y a plus de signatures. Tout est passé à la moulinette. C’est du steak haché”

“On passe son temps à nous dire dans les chaînes que le mélange des genres ne marchent pas mais on diffuse avec succès des séries américaines qui mélangent les genres (comme Mentalist)”

“Si vous mélangez 2-3 genres différents dans une série, vous allez fédérer 2-3 publics différents. Mais les chaînes ne savent pas faire cette addition là”

Anne Santa-Maria- Productrice (Les opérateurs)

“Le métier des producteurs est de prendre des risques dans la recherche et le développement des séries”

“Les chaînes ont très peur que les séries ne les vampirisent. Donc ils parlent de ligne éditoriale pour garder le contrôle sur la série”

“ Il faut troubler et casser les lignes en matière de production de séries”

“Recherche et développement de séries doivent se faire entre producteurs et scénaristes, non avec les chaînes qui vont chercher à imposer leur ligne éditoriale”

« La nouvelle génération d’auteurs comme François Descraques a parfaitement intégrer les nouvelles formes de narration et n’importe quel support est bon pour raconter une histoire« 

Marie Roussin- Scénariste (Borgia, L’hôtel de la plage, Un village français)

« Rien n’empêche en France d’appliquer les méthodes d’autres pays. Il suffit juste de les adapter à chaque projet« 

« En demandant aux scénaristes de s’arrêter de travailler au moment de rendre leur copie, on perd toute l’essence de la série. La vraie évolution c’est de croire en ce trio indissociable qu’est scénariste/producteur/réalisateur« 

Audrey Fouché- Scénariste (Borgia, Les revenants saison 2)

« Sur Les revenants saison 2 , j’ai essayé d’apporter de mon expérience avec Tom Fontana ce qui pouvait être pertinent dans le processus d’écriture avec Fabrice Gobert« 

« La prochaine avancée est de permettre aux scénaristes de se rendre sur les tournages de leur série afin de poursuivre leur travail« 

Source: On Air TV Radio- La série sur le gâteau