Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Top

2 Commentaires

Série Noire: Rencontre avec Joanne Forgues, une productrice audacieuse

Série Noire: Rencontre avec Joanne Forgues, une productrice audacieuse
Alexandre LETREN

Après avoir longuement expliqué combien la série Série Noire était notre coup de cœur du moment, il nous semblait important d’aller échanger avec celle qui, en plus des deux auteurs, est à l’origine de la série. En un tour de manivelle « skypienne » nous voici connecté avec le Québec pour discuter avec Joanne Forgues, productrice de fictions (Les Invincibles, c’était elle aussi ndlr) qui nous parle de la série, de ses auteurs, de la télévision du Québec, et de la France. L’occasion également pour nous de revenir sur d’autres séries qu’elle  a produite comme Les rescapés ou François en série.

Retrouvez Tombé en amour pour une Série Noire

série noire logo

Season One: Qu’est ce qui vous a séduit la première fois que vous avez reçu le projet?

Joanne Forgues: Je connaissais bien François (Létourneau) et Jean François (Rivard) pour avoir fait Les Invincibles avec eux. Ils sont venus me voir avec un projet de série qui ne m’a pas convaincu. Ils sont revenus plus tard avec Série Noire, l’histoire de ces deux auteurs qui sont en quelque sorte en quête d’une certaine forme de reconnaissance. Après Les Invincibles, on avait beaucoup parlé d’une « quête de la liberté« , Série Noire prenait un peu la suite avec ces deux gars proche de la quarantaine, un moment important dans une vie. J’ai trouvé le sujet porteur et j’ai surtout trouvé qu’il pouvait intéresser tout le monde et pas uniquement celles et ceux qui travaillent dans le milieu de la télé. Car on a choisit ce milieu là mais cela aurait pu être un milieu radicalement différent.

Season One: En quoi ce que l’on retrouve dans « Série Noire » se rapproche de ce que l’on retrouve dans la vie des scénaristes, ou de la productrice que vous êtes?

J.F: Déjà je tiens à préciser que je ne ressemble pas du tout à la productrice de la série (rires).
Au Québec, les relations avec les diffuseurs se passent assez bien. Pour avoir un projet de coproduction avec la France, je sais que chez vous c’est loin d’être évident, mais pas chez nous.
La différence essentielle entre la France et le Québec c’est que chez nous, c’est avant tout le contenu d’un projet qui conditionne s’il est ou non accepté. Même si on arrive avec une vedette, si le contenu n’est pas bon, le projet ne passe pas. Je me souviens d’une des premières réunions de travail que j’ai eu avec France Télévisions et ils me parlaient du casting avant même d’avoir lu le projet!! Chez nous, il faut que le texte soit porteur. Lors de cette réunion à France Télévision, j’ai rencontré 12 personnes différentes et chaque personne se prenait tour à tout pour l’auteur, le réalisateur et le producteur. Et au final, ça finit par faire une grosse bouillabaisse car chacun veut mettre son ingrédient dans la série qui au final n’aura aucune saveur.
Avec le diffuseur Radio Canada, on a une vraie relation de confiance. Une fois qu’ils ont donné le feu vert à un projet, on est quasiment livrés à nous même pour faire ce que l’on veut. On ne les a presque pas vus sur le tournage: ils ont dû venir en tout et pour tout une heure sur le plateau pour la forme. On a vraiment été libres de faire la série comme on le voulait.

les-invincibles

Season One: On peut imaginer que l’expérience sur « Les invincibles » a dû tout de même les aider à les convaincre?

J.F: Oui et non. Encore une fois, c’est le texte de Série Noire qui a fait la différence. On a plein d’exemples ici de scénaristes qui avaient fait de gros succès avec une série et qui ont vu leur projet suivant refusé parce qu’il n’était pas bon. Maintenant c’est certain que le diffuseur, grâce au succès des Invincibles, a sans doute regardé avec beaucoup d’intérêt le nouveau projet de leurs auteurs.

Season One: Lors de la présentation à Séries Mania, les deux auteurs ont évoqué les nombreux « gros mots » utilisés dans la série et le fait que ça ait pu un peu déranger lors de la diffusion…

J.F: Radio Canada ne nous a rien dit sur ces gros mots. Pas plus qu’ils ne sont intervenus sur le montage, ils ne m’ont pas demandé de couper une scène. En réalité, ces commentaires sont venus d’une journaliste du journal de Montréal, assez à droite, qui a attaqué la série. En fait, cette journaliste travaille pour le Journal de Montréal, qui appartient au même groupe que la chaîne concurrente de celle qui diffusait Série Noire. On a aussi découvert par la suite que cette journaliste jouait dans la série concurrente de la notre…

Season One: Si on met de côté l’accent du Québec et le fait que la série se passe à Montréal, il y a quelque chose d’assez « universel » dans la série et qui je pense lui permet, comme les séries américaines, de plaire à différents pays.

J.F: François et Jean-François ont vécu à Montréal et ont été très influencés par la télévision américaine.On est un peu ici comme des Américains vivant « en français », donc la culture américaine a beaucoup joué sur eux, ce sont des enfants de la génération Star Wars. Ils ont donc effectivement une écriture qui est plus proche de l’écriture nord-américaine. Mais Série Noire n’a pas été faite en imaginant qu’elle pourrait plaire à pleins de pays différents. Elle a été faite d’abord pour le public du Québec et si elle voyage ensuite, c’est tant mieux. Ce qui pourrait être le cas puisque cette semaine, une compagnie américaine a mis une option sur la série. Et en France, Canal+ m’a demandé à voir la série.

Season One: Comment décririez-vous le travail d’auteur de François et Jean-François?

J.F: Le fait que Jean-François soit auteur ET réalisateur, et que François  soit auteur ET comédien, donne à la série une autre dimension. Ils écrivent ensemble, font la structure de l’histoire ensemble. Une fois l’ensemble de l’histoire de l’épisode arrêtée, chacun écrit un bloc de l’épisode (comme aux Etats-Unis, la diffusion des séries se fait en acte, en bloc, entre-coupés de publicités ndlr) en faisant en sorte que les gens reviennent après la pause. Ils se font suivre ce qu’ils écrivent. Une fois que l’épisode me parvient, il a été tellement travaillé et retravaillé par chacun des deux auteurs qu’il n’est pas possible de voir qui a écrit quoi dans l’épisode (sauf pour moi car je les connais bien depuis le temps). Mais ce sont deux auteurs très compétents, avec une écriture qui leur est propre et qu’on ne voit pas beaucoup ici. Ils essayent toujours d’avoir des sujets sérieux mais dans lesquels l’humour n’est jamais absent, un humour très affûté. Mais c’est certain que de ce fait, ce ne sont pas des projets grand public. Il faut avoir vu chaque épisode de la série sinon on est perdu, un peu comme un Breaking Bad ou d’autres séries du même type à suivre.

radio canada

Season One: Du coup, est ce que c’est facile pour une chaîne comme Radio Canada d’accepter de ne plaire qu’à une partie du public comme ce fut le cas avec la série qui n’a pas fait des audiences exceptionnelles?

J.F: Radio Canada étant une chaîne publique, ils doivent bien entendu avoir des audiences correctes pour vendre de la publicité mais ce n’est pas uniquement leur seul critère. Avec Série Noire, on a fait environ 500 000 par semaine alors qu’on pensait faire 650 000 donc c’est c’est un peu décevant mais pas catastrophique non plus. On était n°1 sur Tout.TV (site de VOD) et en replay également. Série Noire est une série qui a touché un public que tous les diffuseurs veulent aller chercher, situé entre 20 et 45 ans, avec un peu d’argent, un peu branché, et habitué à regarder la télévision quand il le veut.
Donc, c’est sûr que Radio Canada est déçue par les audiences sur son antenne mais comme elle vise ce public là, elle va s’y intéresser. Radio Canada regarde les chiffres en rattrapage, regarde la portée de la série sur Twitter. Série Noire représente le genre de projet que Radio Canada devrait faire plus souvent en tant que chaîne publique, et d’ailleurs, certains politiciens ont même donné la série en exemple. Du coup, c’est un peu difficile pour eux de dire qu’ils ne veulent pas de la série parce qu’ils en sont fiers, la critique a été unanimement bonne. Du coup, ils sont un peu coincés.

Season One: C’est pour ces raisons que le renouvellement se fait attendre?

J.F: Si tout va bien, on aura la réponse d’ici fin juin. Il n’y a pas d’urgence à l’annoncer car de toute façon on ne tournera pas avant janvier 2015. La chaîne veut prendre le temps d’examiner tous les paramètres.

Avant de retrouver la suite de cette entrevue avec Joanne, regardons un peu ses autres productions en télévision. Mise à part Les invincibles et Série Noire, on lui doit aussi deux autres séries: Les rescapés et François en série.

Les rescapés

les rescapés
1964. La famille hautement « dysfonctionnelle » de l’inspecteur Gérald Boivin de la police de Montréal est mystérieusement transportée en l’an 2010. Complètement perdus dans un futur pourtant pas si lointain, les Boivin ne rêvent que d’une chose: rentrer chez eux, en 64. Pour ce faire, ils devront retrouver l’homme, qui pour des raisons obscures, a manigancé leur voyage dans le temps.

Mais, plus difficile encore, les Boivin devront remettre en question leurs croyances, leurs valeurs et leur identité en plus de se serrer les coudes pour rebâtir les liens fragiles qui les ont jadis unis.

François en série

françois en série

François en Série est un voyage dans l’univers étonnant de François un jeune homme dans la vingtaine, un peu perdu. Chaque épisode tente de répondre à une question soulevée par une situation vécue par François ou les autres personnages qui forment son monde singulier. Une série qui parle des remises en question sur nos identités (personnelle, sociale, amoureuse, familiale, professionnelle, etc.) à travers le regard de François qui vit un coup de foudre si fort et si questionnant que les facettes de sa personnalité lui apparaissent sous forme humaine. Un choc qui aura un effet domino sur ses proches. 

Season One: Vous aimez ça aller chercher des sujets qu’on ne voit pas ailleurs?

J.F: J’ai une société de production dans laquelle je produis des fictions uniquement par goût, pour ce que j’aimerai voir. Je n’en produis pas beaucoup car je veux pouvoir être très impliquée dans mes projets. Il n’y a pas beaucoup d’employés non plus dans ma société car je ne veux pas me retrouver à prendre des projets non pas par goût mais dans le but de payer mes employés. Je ne veux pas devenir une usine à séries, je veux faire des séries pour faire les meilleures qui soient. Il faut que je sois séduite par les projets que je reçois. Vu le temps que prend le développement d’une série, entre le feu vert du diffuseur et la mise à l’antenne, si je n’aime pas le projet, c’est très très long de le suivre jusqu’au bout. Donc j’essaie d’avoir des séries que j’ai envie d’accompagner, qui ont une couleur un peu différente. En ce moment, on développe une série peut-être un peu plus standard, en coproduction avec le Nouveau-Brunswick qui s’appelle Le clan et qui tourne autour d’un homme qui a envoyé toute sa famille en prison et que l’on retrouve 8 ans après, au moment où sa famille va sortir de prison. La série sera un peu dans la veine du Fugitif et sera écrite par une des personnes qui a travaillé sur 19 2.

forgues

Season One: Est-ce difficile pour vous, les producteurs du Québec d’exporter vos séries, par exemple vers la France? 

J.F: Bizarrement, je préfère que mes séries soient refaites dans le pays qui l’achète car ça donne plus de chance à la série. Nous n’avons pas la chance d’avoir les vedettes américaines que le public du monde entier reconnaît tout de suite. Comme on n’a pas ce star system là, le remake est plus sécurisant. On a vendu Les invincibles à Arte qui l’a refaite, les Américains sont aussi intéressés par Série Noire. On a même faillit avoir un remake américain de Les invincibles mais quand on a lu les textes, c’était tellement mauvais qu’on a préféré ne pas donner suite. Sony et Fox étaient pourtant partants pour le faire mais ça n’aurait pas été une bonne carte de visite pour la série. Maintenant je préfère qu’on la refasse car une série qui serait doublée serait forcement moins bonne que l’originale, qui plus est placée dans une case horaire où elle ne sera pas visible et je le comprend parce qu’une série avec leur propre vedette aura plus de chance de fonctionner.
Et regardez, Israël fat un peu la même chose avec ses séries, qui font souvent l’objet de remakes et qui peuvent ainsi voyager un peu partout ce qui est plus intéressant pour les créateurs.

Crédits; Productions Casablanca/ Radio Canada

Merci à Joanne Forgues pour son temps pour faire cette entretien et merci aux administrateurs de la Page Facebook de Série Noire pour la mise en contact. 

Tags
François en série Jean-François Rivard Joanne Forgues Productrice Productions Casablanca