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2 Commentaires

Sherlock, The Sign of Three : un exercice de style qui change les règles du jeu

Sherlock, The Sign of Three : un exercice de style qui change les règles du jeu
Carole Llombart

La saison 3 de Sherlock ne va cesser d’alimenter débats et remous et The Sign of Three sera très certainement au centre de toutes les polémiques. Depuis The Empty Hearse, il est clair que cette nouvelle saison prend une direction différente, centrée sur les personnages, sur la relation entre Sherlock et Watson et reléguant les enquêtes au second plan.

Durant deux saisons, Mark Gatiss et Steven Moffat ont rendu un hommage à l’œuvre de Conan Doyle qu’ils affectionnent tant, en étant fidèles au canon et en distillant clins d’œil et références à longueur d’épisodes pour le plus grand bonheur des fans. Mais avec cette 3e saison, les deux co-créateurs prennent de la distance avec leur inspirateur et après avoir montré le Sherlock qui les fait rêver depuis leur enfance, ils semblent vouloir montrer leur vision rêvée de leur Sherlock. Dans plusieurs interviews, Steven Moffat a expliqué qu’enfant, en lisant les aventures de Sherlock Holmes, il était évident pour lui que Holmes devait être le témoin de Watson et il s’amusait beaucoup à imaginer combien cette tâche aussi banale devait être un calvaire et une épreuve pour un être aussi peu banal que Sherlock Holmes. Et c’est ainsi qu’est né The Sign of Three, montrant l’envers du décor de ce personnage emblématique et de creuser un peu plus son exploration de ses émotions. Un exercice de style en somme. Un exercice de style qui change les règles du jeu et désarçonne.

Changer les règles du jeu sans prévenir est toujours un jeu dangereux. Et avec une série comme Sherlock, cela peut ressembler à une opération suicidaire. L’adulation des fans est telle, les espoirs portés sur cette 3e saison étaient tellement élevés que la déception est vite arrivée. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la déception, voire la colère, anime de nombreux fans. Les deux co-créateurs sont fortement suspectés de s’être tellement laissé griser par le succès qu’ils se conduisent comme deux sales gosses qui cassent leur jouet préféré. Pour Steven Moffat, déjà de plus en plus décrié par les fans de Doctor Who, le bûcher est proche. L’autre danger est bien sûr de se planter.

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The Sign of Three est un épisode qui laisse perplexe : pas totalement raté, pas totalement réussi, c’est avant tout un OVNI. Le problème n’est pas de faire évoluer les personnages, car tel est le credo de la narration sérielle. Depuis le début de la série, Mark Gatiss et Steven Moffat n’ont jamais voulu d’un Sherlock figé dans son “autisme”, dans son attitude d’enfant gâté, incapable de se connecter aux autres. Depuis le début de la série, Mark Gatiss et Steven Moffat veulent raconter ce qui leur importe le plus dans les aventures de Sherlock Holmes et John Watson : leur amitié. Et The Sign of Three n’est qu’une variation autour de ce thème : la peur de Sherlock d’être abandonné, Sherlock qui fait des efforts surhumains pour remplir son rôle de témoin et qui angoisse à l’idée d’en être totalement incapable, Sherlock qui fait une déclaration d’amitié “officielle” à John. Mais la frontière entre émotion et sentimentalisme débordant est parfois bien mince.

Mais ce qui désarçonne le plus avec The Sign of Three est son ton. Le fun et l’humour ont toujours fait partie de la série depuis ses débuts, mais chaque saison était construite en trois actes bien définis : un premier épisode haletant illustrant à merveille les talents du consultant detective, une deuxième épisode plus fun à l’intrigue plus légère et enfin, un troisième épisode façon thriller qui développe ou clôture le fil rouge de la saison centré sur le super vilain. Avec cette 3e saison, cet équilibre est chamboulé. The Empty Hearse est un épisode fun et flamboyant et His Last Vow, le 3e épisode écrit par Steven Moffat, s’annonce comme le thriller sombre centré sur le super vilain de la saison. Et qu’en est-il de The Sign of Three ? Et bien, point de rythme haletant illustrant à merveille les talents du consultant detective. Cet épisode est sans nul doute le plus léger des trois saisons et celui où la tonalité comique prend toute la place. Certes, les auteurs ont voulu explorer un nouveau terrain, mais le résultat laisse une impression plus que mitigée. The Sign of Three reste un divertissement de qualité, avec des dialogues toujours aussi efficaces et un casting toujours aussi impeccable dont la complicité éclate à l’écran. Mais à plusieurs occasions (la virée alcoolisée de Sherlock et John en tête), l’humour devient assez grossier et met mal à l’aise. Ce souci d’équilibre dans la tonalité viendrait-il de l’écriture d’un scénario à six mains, grande première pour la série ? On se demande d’ailleurs pourquoi Stephen Thompson n’a pas eu droit à son propre épisode comme lors des deux saisons précédentes.

Il reste encore un épisode pour juger cette saison 3, mais pour le moment, la recette fonctionne toujours. Malgré un recul par rapport à The Empty Hearse, The Sign of Three a placé BBC One largement en tête et signe encore une audience supérieure à celle des deux saisons précédentes.

Crédits: BBC

Prochainement: His last vow

Retrouvez la critique de l’épisode 1 de la saison 3:
Sherlock, The empty hearse: flamboyantes retrouvailles

  • Nanaysse

    Une très bonne critique, qui retransmet mot pour mot mon impression. Bravo pour cette objectivité, et la rapidité des posts! ;)

  • Fabien

    Bonjour Carole !

    Globalement bien d’accord avec ta critique, qui est – comme toujours ) très bien écrite ! Mais j’irai même plus loin : vraiment, plus j’y réfléchis, plus je me dis que cet épisode est meilleur que le précédent (et bien meilleur que les deux autres « épisodes 2″ des saisons précédentes). Tu as complètement raison quand tu parles d’exercice de style. Sherlock, même dans ses épisodes plus légers, restait dans le drama. Or son passage à la comédie (car c’est clairement le cas ici) le fait entrer dans la subjectivité. Rien de plus personnel que l’humour, et rien n’est donc jugé plus subjectivement qu’une comédie : je n’aime pas The Big Bang Theory car elle ne me fait pas rire, mais j’adore It’s Always Sunny in Philadelphia, alors que l’humour est, dirons-nous, un peu vulgaire.

    Je pense que cet épisode deux a été jugé par le public comme on juge une comédie, c’est à dire qu’alors que dans les précédents l’écriture, le jeu d’acteur, la réalisation, l’enquête pouvaient être analysées de maniére objective, dans The Sign of Three, tout cela passe après la question « est ce que ça m’a fait rire ? » Évidemment, si un spectateur ne rit pas, difficile pour lui d’apprécier l’épisode.

    Malgré tout, si on veut bien revenir à des éléments d’analyse objectifs, le jeu des acteurs est toujours (et même de plus en plus) exceptionnel, l’écriture du lien entre Watson et Sherlock est ciselée (j’ai adoré la scène sur le banc), la réalisation mais surtout le montage est d’une précision folle dans l’alternance des scènes du mariage et des « flashbacks ». Alors oui, le lien entre l’affaire du général et le lien d’amitié avec John est un peu grossier, mais il y a des idées géniales (lorsqu’ils jouent au jeu des personnages à deviner, que Sherlock pense qu’il est Watson et que la cliente arrive et demande lequel des deux est Sherlock, c’est brillant !!).

    Bref, je me suis évidemment lâché, mais je trouve que ce changement fait du bien. Sherlock est parti (pour nous comme pour Watson) pendant deux ans, il ne pouvait pas revenir comme avant, comme si de rien n’était, et ce recentrage comme tu le dis, sur leur relation (et notre relation avec eux d’une certaine manière) est pour moi parfaitement réussi. Maintenant, laissons la place au thriller noir de Moffat, mais je pense – vu la BA de l’épisode 3 – que ceux qui ont jugé trop sévèrement – et trop sérieusement – ce deuxième épisode vont regretter de ne pas s’être lâché et de ne pas avoir rit un peu plus !