This is the end (4/8): Lost
La review
LA FIN DE LOST
8L’été 2013 verra la fin de deux grandes séries de la télévision américaine que sont Dexter et Breaking Bad. Après respectivement 8 et 5 saisons, ces séries vont tirer leur révérence. Si tout le monde salue la qualité constante de Breaking Bad, beaucoup disent que Dexter n’a que trop duré. On a donc décidé de profiter de cette actualité pour revenir sur 8 fins de séries avec deux questions à la clé: Comment l’ont-elles gérée? La fin est-elle satisfaisante? Place cette semaine au final d’une série qui aura marqué et déchaîné les passions: Lost.
ATTENTION SPOILERS ! ATTENTION SPOILERS ! ATTENTION SPOILERS !
Les dernières minutes de Lost ont fait couler beaucoup d’encre (ou en tout cas beaucoup de pixels, on est au 21ème siècle, hein…). Durant pratiquement 5 minutes, dans une séquence quasiment sans dialogue à part Locke qui lance un “Nous t’attendions” à Jack, tous les personnages que nous avions suivi durant 6 saisons se retrouvent dans une église. Parallèlement on suit Jack, sur l’île, s’effondrer dans les bambous, à l’exact endroit où il s’était déjà effondré dans le pilote. Jack ferme les yeux. Titre. Fin.
Lost est sans doute le dernier grand show fédérateur. Celui que tout le monde regardait, dont tout le monde parlait. Des centaines de sites sont consacrés à la série, tous les éléments du show ont été décortiqués, commentés, argumentés et contre-argumentés. Il faut dire que peu de séries sont parvenues depuis à réunir un character cast aussi efficace, un scénario rempli de mystères et de rebondissements, et une créativité visuelle totalement novatrice à l’époque.
Pourtant, au départ, le projet est une commande du patron d’ABC, Lloyd Braun, qui voulait créer un show au croisement entre le roman Sa Majesté des mouches (William Golding), le film Seul au monde (Robert Zemeckis), les séries télé L’île aux naufragés (1964-1967 – CBS) et The New People (1969-1970 – ABC) et le reality show Survivor (ABC), original américain de notre Koh Lanta (TF1). Rien que ça ! Après un premier projet de Jeffrey Lieber qui sera jugé insatisfaisant, Braun contact J.J. Abrams, qui, avec Damon Lindelof, feront cette série incroyable qui a tenu le public en haleine pendant 6 ans : Lost. Damon Lindelof et Carlton Cuse (aujourd’hui créateur et showrunner de Bates Motel, ndlr) seront les showrunners et principaux scénaristes du show. Avec un budget de 13 millions de dollars, le pilote de Lost reste le pilote le plus cher de l’histoire de ABC, et sans doute un des plus chers de l’histoire de la télévision. Il marquera la chute de Lloyd Braun qui sera remercié d’ABC. Mauvais calcul puisque le succès de la série (dont le pilote avait été diffusé à la Comic Con de San Diego l’été précédent sa diffusion télé, ce qui a créé le buzz) est immédiat : plus de 18 millions de téléspectateurs sont devant leur écran le 22 septembre 2004. C’est la meilleure audience d’ABC depuis 2000. Pendant les 3 premières saisons, Lost réunira en moyenne 15 millions de téléspectateurs par épisode, et au plus bas de son audience restera toujours autour de 10 millions. Cela reste encore aujourd’hui une performance pour une série feuilletonante dont l’intrigue est aussi complexe.
Jumping Jack Flash
Lost se construit sur 3 grands axes. Tout d’abord, un redoutable casting faisant de la série un véritable show “à personnages”. C’est sans doute la marque la plus évidente de l’héritage de Survivor/Kohl Lanta sur la série. On suit des individus, désignés le plus souvent par leur seul prénom, qui ont chacun une personnalité et une histoire forte, profonde et développée dans la série. A ce titre, Lost est une véritable oeuvre chorale. C’est aspect de la série est d’autant plus important que c’est la construction de chacun des personnages, tout au long de six années, qui amènera l’intensité dramatique du final.
Ensuite, Lost c’est une histoire mystérieuse. Au-delà de la simple structuration d’un groupe social dans un environnement hostile, là encore héritage du réal show dont la série s’inspire en partie, le scénario nous amène vers le fantastique. Au départ relativement discret, préservant en cela le questionnement nécessaire du spectateur, il devient de plus en plus évident et visible au fil des saisons. Cet aspect de la série est à double tranchant. En effet, le feuilleton mystérieux qui tient en haleine le spectateur attendant impatiemment l’épisode suivant pour avoir des réponses et une formidable machine a fidélisation de l’audience. Malheureusement, elle ne peut pas durer éternellement et à un moment donné si l’on ne donne pas de réponses, on perd le public. Mais même en donnant ces réponses, on perd également tout ceux à qui elles ne plaisent pas. C’est en partie ce qui s’est passé sur Lost. Ce comportement trouvera son paroxysme dans la réception du final par les fans.
Enfin, la série est remarquable par sa créativité formelle. Dès le départ, le système de narration par flashbacks, non pas de manière ponctuelle, mais de manière systématique, ritualisés et lisibles pour le spectateur, ouvrait déjà une nouvelle ère de l’écriture télévisuelle. Par la suite, le développement de ce système vers les flash forward et flash sideways ont littéralement participé à la nature fantastique de l’intrigue et au discours spirituel sous-jacent. Là encore, un des énormes apports de Lost aura été d’ouvrir des portes dans ce qu’il est possible ou non de faire à la télévision. Là encore, ce mode narratif, ouvrant de multiples interprétations à l’histoire, est à la fois fédérateur des fans et clivant des autres qui finissent par ne plus rien y comprendre. Lost a cristallisé les opinions et le final était dès lors une tâche impossible à réussir.
Karma Chameleon
Le 23 mai 2010, lors d’une soirée lancée à grand renfort de publicité par la chaîne ABC, les 120ème et 121ème épisodes de Lost, concluant la série, sont diffusés devant 13,5 millions de téléspectateurs, un pic de 15 millions ayant été atteint sur la dernière demi-heure de l’épisode. Il n’est pas nécessairement pertinent de commenter les détails de la conclusion de l’intrigue sur l’île, celle-ci étant devenue presque secondaire face à ce qui réunit petit à petit les personnages dans le monde des flash-sideways. Dans cette partie de l’univers, les dernières 90 minutes de la série verront tous les personnages se croiser pour finir par se réunir dans une église. Tout l’enjeu de cette version “parallèle” de l’univers est de démontrer que les personnages sont connectés quoi qu’il arrive. Quelques explications sur les aventures dans l’île sont données au travers de dialogues entre les personnage. Entre Ben Linus et John Locke, puis entre Ben et Hurley, et enfin entre Jack Sheppard et son père. Au travers de ces moments, les scénaristes du show donnent les lignes de leur point de vue. Dans une séquence poignante, sur les cinq dernières minutes, tous les personnages, vivants ou morts dans l’histoire “normale”, se retrouvent. Parallèlement on suit Jack Sheppard, sur l’île, qui vivra ces derniers instants à l’endroit où il vécu ses premiers.
Cette fin a fait littéralement exploser les réseaux sociaux, avec sont lot de détracteurs et d’amateurs. Les premiers étant les plus nombreux et les plus présents. Dans une longue interview donnée à The Verge en 2012, à l’époque de la sortie de Prometheus, Damon Lindelof passera 25 min à revenir sur Lost et surtout la fin (Lien vers l’émission). C’est dire si cet épisode final continue de susciter questions et frustrations. On trouvera également un leak d’informations directement issues de la salle d’écriture du show par un stagiaire indiscret (lien ici) qui reprend tout ce que les versions “officielles” ont donné comme explication depuis.
Quand on revoit aujourd’hui ces instants finaux, hors du besoin impérieux d’explications que l’on ressent en suivant le show, il est évident de constater à quel point ce moment est poignant et plein d’émotion. La vérité de ce final est que, finalement, Lost est une histoire de personnages, de leurs histoires individuelles, mais aussi de la façon dont ils interagissent. Au fil de 6 saisons, pratiquement toutes les combinaisons auront été testées, les libertés narratives de la série ayant permis d’explorer un spectre extrêmement large de possibilités.
Crédits: ABC Studios
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